ALLOCUTION DU 27 MAI 2003


Je voudrais tout d'abord remercier toutes les personnes présentes parmi nous ce soir: élus, membres d'associations, porte-drapeaux, seynoises et seynois. Cela nous fait chaud au coeur et nous encourage à poursuivre notre route.

Cette année encore l'A.N.A.C.R. me donne l'occasion de m'adresser à vous en son nom et au nom des Amis de la Résistance. Qu'elle en soit remerciée.

Nous sommes réunis pour commémorer le 60ème anniversaire de la création du C.N.R. Il y a 60 ans jour pour jour Jean Moulin achevait la tâche que lui avait confiée le Général de Gaulle en réunissant dans Paris occupé pour la première fois les responsables de toutes les organisations de Résistance. Le Conseil National de la Résistance était né. A partir de ce 27 mai 1943, la Résistance allait pouvoir agir plus efficacement. Cela aboutira, nous le savons, à la libération de notre pays avec l'offensive des armées alliées et permettra surtout à la France de conserver son indépendance et son autonomie.

Cela donnera également une base au nouveau gouvernement d'après-guerre car le programme du C.N.R. sera à l'origine de nombreuses avancées sociales notamment, battues en brèche de nos jours, hélas.

Réaliser l'unité de la Résistance n'était pas une tâche facile tant les organisations étaient diverses, cependant Jean Moulin l'accomplit. Etait-il donc un homme exceptionnel ? Je suis persuadée que s'il était encore parmi nous, il dirait comme tous les résistants que nous connaissons: "je n'ai fait que mon devoir". Mais comme nombre de ses camarades de combat, il a donné sa vie à sa cause et nous commémorons également en ce jour le 60ème anniversaire de sa mort.

Qui était-il donc ?

Jean Moulin est né à Béziers le 20 juin 1899 d'un père professeur d'histoire radical-socialiste et d'une mère catholique. Elève aux résultats moyens, enclin à la rêverie, il réussit son bac en 1917 puis s'inscrit à la faculté de Droit de Montpellier et entre comme attaché au cabinet du Préfet de l'Hérault.

En 1921, il adhère aux Jeunesses Laïques et Républicaines et passe sa licence en Droit. Mais parallèlement à cette vie " sérieuse ", il publie des dessins humoristiques et aime bien faire la fête avec ses amis.

En 1922, il est nommé chef de cabinet du préfet de Savoie à Chambery puis sous-préfet à Albertville en 1925. C'est le plus jeune sous-préfet de France.

Sa carrière se poursuit par différents postes en sous-préfectures et préfectures, du Finistère à la Haute Savoie en passant par la Somme, jusqu'en 1936, pendant le Front Populaire, où il devient chef de cabinet du ministre de l'Air, Pierre Cot.

Pendant la guerre d'Espagne, il est chargé de faire livrer clandestinement une centaine d'avions aux républicains espagnols. Il écrit alors: " Si nous ne portons pas secours aux républicains espagnols avec des moyens suffisants, ils vont être écrasés et...Hitler surtout poursuivra sa politique d'agression ". L'avenir lui donnera hélas raison.

En 1939, lors de la déclaration de la guerre, il est préfet à Chartres. Il tente de s'engager pour combattre mais le ministre de l'Intérieur lui ordonne de regagner son poste. Le 17 juin 1940, les troupes allemandes arrivent à Chartres. Des officiers allemands somment Jean Moulin de signer un protocole accusant les troupes sénégalaises d'atrocités à l'égard de la population civile. Il refuse. C'est son premier acte de résistance. Il est arrêté, battu et craignant de succomber le lendemain, il se tranche la gorge avec un débris de verre. Echappant à la mort, il reprend ses fonctions.

Le 15 novembre il quitte Chartres et s'établit à Saint-Andiol dans la propriété familiale où il passait ses vacances, enfant. De là, jusqu'au 9 septembre 1941, il prend quelques contacts avec des mouvements de résistance: le " Mouvement de Libération ", à Marseille, " Liberté " à Lyon, repère le mouvement " Libération ". Militant de base, il fabrique et distribue des tracts tout en préparant un rapport qu'il souhaite présenter au général de Gaulle.

Après avoir passé les frontières espagnole puis portugaise sous une fausse identité, il parvient à Londres où il rencontre de Gaulle le 25 octobre 1941. Il plaide pour un rassemblement de tous les mouvements de résistance et demande des liaisons avec Londres, de l'argent et des armes. Il est parachuté en France le 2 janvier 1942 avec pour mission de réaliser l'unité des mouvements de résistance en zone libre. Il commence par mettre sur pied les organes de la Résistance unie, à Lyon. Après le débarquement des Alliés en Afrique du nord, il oeuvre auprès d'eux pour que le général de Gaulle soit reconnu comme le représentant légitime de la France. Pour pouvoir se déplacer sans éveiller les soupçons, il se fait passer pour un marchand de tableaux et ouvre une galerie d'art à Nice.

Enfin, le 27 mai 1943, le Conseil National de la Résistance se réunit pour la première fois sous sa présidence à Paris, 48, rue du Four. Mais l'étau se resserre autour de lui: les archives de l'Armée Secrète et un rapport destiné aux américains tombent dans les mains de la police de Vichy. La Gestapo s'est constitué des réseaux de renseignement et procède à des arrestations : Bertie Albrecht à Mâcon le 28 mai, le général Delestraint, le 9 juin.

Jean Moulin souhaite alors une réunion des responsables militaires. Elle a lieu le 21 juin, à Caluire, près de Lyon. Sans doute dénoncés, tous sont arrêtés. Identifié, Jean Moulin est torturé pendant plusieurs jours par Klaus Barbie, à Lyon, mais ne parle pas. Il est transféré à Paris. Son état ne permettant pas un nouvel interrogatoire, on décide de le transporter à Berlin pour le soigner avant de l'interroger à nouveau.

Il meurt dans le train, à Metz, le 8 juillet 1943. Il est immédiatement incinéré et ses cendres sont déposées au Père Lachaise, à Paris. Elles se trouvent dans la crypte du Panthéon depuis le 19 décembre 1964.

Alors, Jean Moulin citoyen ordinaire ? ...Certainement pas ! mais remercions à travers lui toutes celles et tous ceux, français et étrangers, de toutes confessions et opinions qui se sont battus et souvent ont donné leur vie pour défendre les valeurs de notre République.

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Pages réalisées par Louis VAISSE